Sylvie,
X. Le Grand Frisé, début du chapitre
« J’ai
repris le chemin de Loisy ; tout le monde était réveillé. Sylvie
avait une toilette de demoiselle, presque dans le goût de la ville.
Elle me fit monter à sa chambre avec toute l’ingénuité
d’autrefois. Son œil étincelait toujours dans un sourire plein de
charme, mais l’arc prononcé de ses sourcils lui donnait par
instants un air sérieux. La chambre était décorée avec
simplicité, pourtant les meubles étaient modernes, une glace à
bordure dorée avait remplacé l’antique trumeau, où se voyait un
berger d’idylle offrant un nid à une bergère bleue et rose. Le
lit à colonnes chastement drapé de vieille perse à ramage était
remplacé par une couchette de noyer garnie du rideau à flèche ; à
la fenêtre, dans la cage où jadis étaient les fauvettes, il y
avait des canaris. J’étais pressé de sortir de cette chambre où
je ne trouvais rien du passé. « Vous ne travaillerez point à
votre dentelle aujourd’hui ?… dis-je à Sylvie. — Oh !
je ne fais plus de dentelle, on n’en demande plus dans le pays ;
même à Chantilly, la fabrique est fermée. — Que
faites-vous donc ? » Elle alla chercher dans un coin de la
chambre un instrument en fer qui ressemblait à une longue pince. «
Qu’est-ce que c’est que cela ? — C’est ce qu’on
appelle la mécanique ; c’est pour maintenir la peau des gants afin
de les coudre. — Ah ! vous êtes gantière, Sylvie ? —
Oui, nous travaillons ici pour Dammartin, cela donne beaucoup dans
ce moment ; mais je ne fais rien aujourd’hui ; allons où vous
voudrez. » Je tournais les yeux vers la route d’Othys : elle
secoua la tête ; je compris que la vieille tante n’existait plus.
Sylvie appela un petit garçon et lui fit seller un âne. « Je
suis encore fatiguée d’hier, dit-elle, mais la promenade me fera
du bien ; allons à Châalis. »
Le passage
soumis au commentaire forme un ensemble assez bien délimité. Aucune
action particulièrement dramatique ni aucune tragédie soudaine ne s'y déroulent,
mais néanmoins un puissant effet s'en dégage. Car, comme nous le
verrons ce texte nous parle avec sensibilité qu'une rencontre, ou
plutôt de l'échec d'une rencontre.
L'explication
de ce passage ne peut se contenter de vagues propos sur l'art
nervalien de désigner les temps agrémentés de considérations
psychologisantes : le narrateur vit dans le passé et développe un
état d'esprit nostalgique. Il est mal à l'aise, il est même
carrément déprimé.
Ce genre de
lecture serait extrêmement superficiel.
Une autre
erreur serait de se référer au "temps vécu" sans lire
attentivement les renseignements fournis par le narrateur. S'il peut
être question de temps vécu, ce n'est pas au début de notre étude,
mais à sa fin. Quand, ayant compris ce qui se joue dans cette scène,
dans la chambre puis lors de la conservation avec Sylvie, nous serons
en mesure de relancer le questionnement.
Vouloir
amener une réponse, avant que d'avoir compris ce qui mérite d'être
questionné, voilà encore une façon de faire déplorable.
Commençons
notre lecture.
Le passage
semble bien s'articuler autour de la confession, « J’étais
pressé de sortir de cette chambre où je ne trouvais rien du passé
». Mais au lieu de se lancer dans une enquête psychologique et de
prescrire du Prozac au narrateur, mieux vaut se poser la question du
sens de cette volonté (quitter la chambre) et de ce jugement (ne
rien retrouver du passé). Car l'une et l'autre posent problème. Le
narrateur n'est en rien pressé de quitter Sylvie, mais semble la
fuir en voulant sortir de sa chambre. Il est avide d'un passé mais
pas du passé, d'un passé qui n'est peut-être qu'imaginaire. En
effet, comment peut-il croire que les choses ont changé quand c'est
au contraire la permanence des objets et de Sylvie elle-même qui est
remarquable ?
Considérons
le visage de Sylvie, emblématique de toute sa personne. Il s'offre
au narrateur conformément au souvenir qu'il avait gardé d'elle !
Sylvie est aussi belle qu'hier ; « son œil étincelait
toujours dans un sourire plein de charme ».
Certes quelque chose a changé, mais rien d'objectif, «l’arc
prononcé de ses sourcils lui donnait par instants un air
sérieux » ; non seulement le changement est
épisodique, mais il est aussi subtil, concernant uniquement l'arc
des sourcils. Le narrateur a l'impression, encore vague, qu'un trait
du visage, de temps en temps, accuse un sérieux que Sylvie n'avait
pas auparavant, trois ans plus tôt. Il s'imagine qu'elle est parfois plus
sérieuse. C'est bien à un travail de l'imagination, à un sérieux
imaginaire, que renvoie cette courbure de l'arc des sourcils.
Il est question de modernité dans cet extrait de texte. La modernité se conjugue, croit-on savoir avec la science, la technique industrielle et la puissance de l'argent. Mais, dans une époque pré-industrielle, au tout début de la modernisation des cadres de vie, elle existe déjà. Et alors elle donne par instant aux choses un air nouveau, un aspect différent. Ces choses demeurées simples sont "pourtant modernes". La modernité n'est pas comme la solidité une qualité des choses, mais quelques chose d'autre qui est apporté par le regard, qui jaillit d'une interprétation du réel.
Il est question de modernité dans cet extrait de texte. La modernité se conjugue, croit-on savoir avec la science, la technique industrielle et la puissance de l'argent. Mais, dans une époque pré-industrielle, au tout début de la modernisation des cadres de vie, elle existe déjà. Et alors elle donne par instant aux choses un air nouveau, un aspect différent. Ces choses demeurées simples sont "pourtant modernes". La modernité n'est pas comme la solidité une qualité des choses, mais quelques chose d'autre qui est apporté par le regard, qui jaillit d'une interprétation du réel.
Nous tenons
là une sorte de clé de lecture. La description est symbolique. La
permanence des choses et des êtres est le fond sur lequel peut
apparaître d'infimes modifications. La modernité est le résultat de ses impressions, conjuguées en un jugement de valeur. Ce qui est déstabilisant pour
le narrateur ce n'est pas que le passé soit résolu, que le temps
ait fait son œuvre en vieillissant les personnes et en usant les
choses, mais qu'une évolution se soit produite, et que, par conséquent, le présent toujours pas stabilisé puisse contenir en germe des
ruptures bien plus significatives encore. Le narrateur n'est pas
nostalgique, si l'on tient vraiment à faire de la psychologie, mais
anxieux. Il s'inquiète de ce que peut lui réserver l'avenir. Des
signes avant-coureur lui font croire au pire.
Pourquoi
veut-il quitter la chambre ? Pour échapper à ces impressions
qui l'inquiètent, pour ne plus penser à ces mutations à venir
qu'il pressent et n'espère pas ! Car, comme on dit
vulgairement, il ne veut pas « tourner la page ». Pourquoi ne retrouve-t-il rien du passé dans la chambre de Sylvie ? Parce que, dans son esprit, la
force des impressions est telle qu'elle occulte bientôt la sensation première, celle du maintien des choses. Son jugement est impitoyable. Il saisit le moindre signe pour déceler ce qui dans ces choses est soumis à un facteur d'évolution. Celle-ci se fait certes en douceur, degré par
degré. Mais elle semble inléluctable. Suivant un mécanisme psychologique bien connu, l'esprit du
narrateur s'appuie sur des indices infimes, cherche à confirmer ses
alarmes d'abord vagues puis de plus en plus précises et réussit
donc fort bien à attiser ses craintes.
Appliquons
cette clé de lecture à l'ensemble de la description de la chambre.
Le narrateur affirme d'emblée que « la chambre était décorée avec
simplicité, pourtant les meubles étaient modernes ». Il note
ainsi la permanence du plus important, la simplicité de Sylvie,
comme fond sur lequel vont se dévoiler ou se détacher les traces
de changement, les germes de rupture, bref la modernité redoutée.
En
commençant par la fin de la description, entrons dans l'analyse des
détails.
Les canaris,
en place des fauvettes. Tout est là comme hier, la cage près de la
fenêtre, des oiseaux dans la cage. Mais ce ne sont plus des
fauvettes (de l'ordre des Sylviidés), ce sont désormais des canaris
ou serins des Canaries (de la famille des Fringillidés) qui occupent
la cage !
En quoi
est-ce remarquable ? Avec sa couleur jaune, le canari est plus
voyant que la fauvette, pas nécessairement plus beau. Il chante
bien, mais pas mieux que d'autres comme le pinson ou le rouge-gorge !
Le remplacement de l'un par l'autre symbolise en fait un changement
d'époque. Hier les paysans posaient de la glu dans les arbres et
capturaient des passereaux, des pies, des merles. Désormais il
existe un marché des oiseaux d'importation. Ce ne sont plus
seulement les nobles ou les riches bourgeois qui peuvent s'acheter un
oiseau exotique, une perruche ou un perroquet. Dans le Valois, la
vogue des oiseaux venus de loin s'est développée. Sans doute depuis
peu, et essentiellement par l'activité de personnes qui se livrent à
l'élevage de leurs propres oiseaux à titre de passe-temps, imitant
en cela les nobles du XVIIe et les bourgeois du XVIIIe
siècle.
Pour avoir
remplacer les fauvettes par des canaris, Sylvie n'est en rien
coupable. La nouvelle espèce chante aussi bien voire mieux que l'ancienne. Elle est néanmoins symbolique de la
modernité, comme époque qui ne s'encombre pas des traditions et où se démocratisent des activités
plaisantes comme le sport, la lecture, la musique savante ou
l'ornithologie.
La couchette
en noyer avec sa flèche à la place d'un lit à baldaquin. Là
encore la différence est subtile. Et Sylvie n'a commis aucun crime
de lèse-majesté en choisissant le mobilier moderne contre le plus
ancien. Au contraire la permanence est accusée, doublement. Par
l'essence dans laquelle est faite la couchette : le noyer, bois
rustique s'il en est. Dans les grandes villes, chez ces parvenus qui
ont lancé la mode « empire » les couchettes ou banquettes sont en bois
exotique, en diverses sortes d'acajou. Mais dans la chambre d'une
demoiselle du Valois, c'est le bois local qui reste employé. Par le maintien d'un dais minimal. Les
formes ont évolué, copiant la mode de l'antique. Mais la permanence
est encore nette. Si le baldaquin, « chastement drapé de
vieille perse à ramage», fait partie de l'histoire ancienne, il
est d'une certaine manière conservé en étant remplacé par une
structure plus légère, par le rideau accroché à la flèche de
laiton, en tête du lit ! Ce qui est ainsi appréhendé par le
regard du narrateur est ce syncrétisme des formes et des matières, l'adaptation des choses au goût du jour.
Ceux qui, comme Sylvie, ont quelques moyens peuvent troquer leurs vieux
meubles pour de plus modernes, moins rustiques, mais pas forcément plus
confortables.
La
première chose remarquable est aussi la première aperçue par le
narrateur : le miroir doré qui a remplacé le vieux trumeau et
son « berger d’idylle offrant un
nid à une bergère bleue et rose ».
Là le changement semble plus marqué. La dorure même des bords de
la glace peut apparaître suspecte : signe d'une conversation à
une esthétique du paraître et même du voyant. Du « bling-bling »
dit-on aujourd'hui. Mais miroir comme panneau de bois décoré sont
fondamentalement un seul et même dispositif. Ce sont des objets dans
lesquels nous projetons notre regard et qui nous permettent une
identification. Le miroir me permet de reconnaître ma propre image ;
le trumeau avec son décor me donne à voir l'image idéalisé à
laquelle il m'est permis de m'identifier. Avec l'un je me découvre
comme je suis et doit apparaît aux autres. Avec l'autre je découvre qui
je peux être, berger ou bergère, amant ou amante, poète ou muse.
Là encore les choses sont subtiles. Le miroir n'est pas un
instrument du diable. Ce n'est pas un artifice qui suscite
immédiatement un réflexe narcissique. C'est toutefois un objet qui
n'est pas neutre en ce qu'il participe d'un esprit neuf, récemment
découvert ou revendiqué par de fortes personnalités, celui qui
avec le romantisme instaure la primauté du « je » sur la
société, défend la revendication à l'émancipation des individus.
Le trumeau lui-même n'était pas un décor innocent.
L'identification à une fiction, celle du chevalier servant, a pu
faire perdre la tête à Don Quichotte ! Mais force est de
constater que l'esthétique en bleu et rose des bergers et bergères
d'Arcadie ne fait plus rêver que de rares personnes au début du XIXe siècle. Bientôt les
romans au goût du jour, un peu moins chastes ou vertueux, vont
formidablement se répandre et considérablement influencer les
esprits, suscitant dans les campagnes des crises de bovarysme !
Les
impressions font donc système. Elles se confirment mutuellement.
Sylvie est toujours aussi simple, mais elle subit l'influence d'une
époque qui aime la nouveauté, l'art, la légèreté, l'exotique, le
confort.
Le narrateur
résiste sans doute à ces influences, cultivant contre la majorité
de ses concitoyens, un amour du XVIIIe siècle, voire du passé plus
lointain et archaïque. Que signifie donc la chambre ?
Dans les
rêves du narrateur, elle évoque le mariage mystique, l'amour
platonique avec Sylvie, le jeu des épousailles du chapitre VI. Elle
est alors le lieu de la rencontre des cœurs et des esprits. Mais la
chambre moderne n'est pas un tel écrin. Il n'est pas fait pour la
réitération des promesses. Au contraire, Sylvie échappe au
narrateur en s'autonomisant, en acquérant de la valeur pour son
entourage, en devenant une femme à marier, même si elle est pour l'instant toujours demoiselle. La fin du chapitre lui dresse une couronne de
lauriers, elle est devenue une « fée industrieuse ».
Mais cela veut dire qu'elle n'est plus la fée des contes de fées
auquel le narrateur jadis a rêvé de l'identifier.
La modernité
c'est un ensemble de choses matérielles et non matérielles. Mais
attention à ne pas forcer le trait. En France, dans les campagnes, à
cette époque, il ne s'agissait aucunement du triomphe de la
révolution industrielle, comme en Angleterre, mais seulement de ses
prémisses. Une seule chose est évidente, la chute de l'ancien
monde. Ce qui se voit c'est le déclin de certaines habitudes et
l'émergence de nouvelles. Ce qui se constate c'est le changement des
goûts et des aspirations du plus grand nombre. Dans le Valois les
paysans cultivent toujours la terre, mais les « fabriques »
ont fermé. Hier elles s'étaient multipliées, regroupant dans leurs
murs des activités nécessitant de la main d'œuvre, comme la
production de la dentelle. Aujourd'hui elles sont vides car cette
production n'a pas été maintenue. Cela ne veut pas dire que toute
activité complémentaire à l'agriculture a disparu, mais qu'elle
s'est ré-orientée. Et si elle l'a fait, ce n'est pas parce que des
ordres sont venus d'en haut, impulsés par les nouveaux maîtres de
la France, mais parce que le marché (au sens contemporain de lieu où
les marchandises se vendent et s'achètent librement) est en train
d'opérer une crise et de restructurer l'offre en répondant au mieux
à la demande ! Sous l'Ancien Régime la dentelle était une
activité lucrative, pour quelques privilégiés ayant le monopole de
la vente. Chez eux ou dans les fabriques concentrant la force de
travail, les ouvriers et ouvrières étaient exploités pour un
salaire de misère. Ils étaient même obligés de produire sous
peine de lourdes sanction. La dentelle, c'était le bagne au
quotidien, le travail forcé pour le tiers-état. La libéralisation
du marché a depuis fait son œuvre, fort utile. Pourquoi dire ou
penser ses « ravages » ? Maintenant les ouvriers qui
ne sont plus corvéables peuvent choisir leur activité. Ils peuvent
se mettre, comme Sylvie, à faire des gants pour les bourgeois et les snobs de tout poil. Et
même s'ils ne s'enrichissent pas énormément, ils font plus que
survivre. Leur travail leur permet l'aisance qu'ils n'avaient encore
jamais connue. C'est le progrès, incarné par la « mécanique »
même si cet objet de fer n'est qu'une vulgaire pince. Sylvie n'est pas l'ouvrière d'un système industriel, mais l'ouvrière d'un système de production resté artisanal. Le point
décisif, toutefois, est dans l'esprit moderne qui a triomphé,
permettant à Sylvie de dire en toute innocence « je ne fais
plus de dentelle, on n’en demande plus dans le pays » ou
encore « Oui, nous travaillons ici pour Dammartin, cela
donne beaucoup dans ce moment ». Comme si la chrématistique
n'était plus une mauvaise chose. Comme si la loi de l'offre et de la
demande allait maintenant régner sur la société pour les siècles
des siècles.
Que
dit le narrateur au début de son récit, alors que la rencontre avec
Sylvie était encore prometteuse ? Il est déjà très clair : « Sylvie avait une
toilette de demoiselle, presque dans le goût de la ville ».
Insistons sur la valeur du « presque ». Non,
Sylvie n'est toujours pas mariée. Elle reste une demoiselle dont le coeur est à prendre. Non
elle n'est pas une néo-bourgeoise ayant nié ses origines. Elle est restée fidèle à ses
parents comme à sa terre. Elle est toujours une paysanne au fond d'elle-même. Mais elle s'est
embourgeoisée, car sa vie est plus confortable, plus heureuse, plus
libre. Sa génération est en train de connaître une sorte
d'élévation sociale. Sylvie en profite, comme beaucoup d'autres. Elle
n'est plus dentellière mais gantière à présent.
Le
décalage avec le narrateur provient du fait que lui, le vrai bourgeois, l'enfant de la ville, a quitté la ville
pour rejoindre un pays natal idéalisé, pas pour découvrir cette
campagne qui se modernise et peu à peu arrive à nier le fossé qui
la sépare des villes. L'opposition, si nette quand on regarde les parcours, n'est donc pas une
opposition de caractère. Sylvie ne se détourne pas de lui, n'a pas
moins de charme ni de générosité qu'avant. Mais elle a désormais
quelque chose en plus ! Elle peut paraître plus sérieuse, plus
raisonnable, plus intéressée, plus prosaïque. Car elle ne donne
pas le même sens à la crise que lui. Pour elle, c'est une chance de
promotion sociale et de bonheur effectif. Pour lui, c'est le danger
actuellement le plus menaçant, celui de l'engloutissement de ses
rêves de noblesse hors du temps et de grâce éternelle.
La route de Châalis peut encore être parcourue, de concert. Sylvie apprécie la compagnie du narrateur, qui peut toujours s'en sentir flatté.
La vieille tante n'est plus. Il a suffit d'un signe pour que le narrateur s'en rende compte, un regard qui se détourne pudiquement. Et la confirmation du décès va venir un peu plus tard. La route de Loisy ne pourra plus être empruntée dans l'intention d'y revivre l'ancienne idylle, sous le même chaperonnage.
La route de Châalis peut encore être parcourue, de concert. Sylvie apprécie la compagnie du narrateur, qui peut toujours s'en sentir flatté.
La vieille tante n'est plus. Il a suffit d'un signe pour que le narrateur s'en rende compte, un regard qui se détourne pudiquement. Et la confirmation du décès va venir un peu plus tard. La route de Loisy ne pourra plus être empruntée dans l'intention d'y revivre l'ancienne idylle, sous le même chaperonnage.
Le décalage existe. Rien n'est stable ni assuré dans ce monde où des forces prodigieuses agissent. Or
que se passe-t-il quand deux personnes sont en un même lieu mais ne
donnent pas la même signification aux évènements qu'ils vivent ou
bien aux frémissements qu'ils observent autour d'eux ? Demeurent-ils réellement
des contemporains ?
Or, avec cette question-là, c'est maintenant que la thématique du temps vécu peut être convoquée. Et seulement parce que cette question subtile fait écho au texte subtil de Nerval.
Or, avec cette question-là, c'est maintenant que la thématique du temps vécu peut être convoquée. Et seulement parce que cette question subtile fait écho au texte subtil de Nerval.
Au
moment de la rencontre, dans ce lieu symbolique qu'est la chambre, la
contemporanéité n'est plus une évidence pour le narrateur.
L'éloignement « psychologique » qui s'opère est sans
doute imaginaire. S'il veut encore se marier avec Sylvie, il le peut
assurément. Seul importe le consentement de Sylvie. L'éloignement
en pensées est-il pourtant réel ? Peut-il encore se marier
avec la personne qu'il souhaite épouser ?
Il
faudra se souvenir de ce chapitre X, Le Grand Frisé, quand
nous aborderons avec Vincent Descombes, Le Raisonnement de l'ours
(Seuil, 2007), chapitre « Le présent, l'actuel, le simultané
et le contemporain », cette question délicate des conditions à
remplir pour que deux personnes réunies en un même lieu soient bien
des contemporains et pas seulement des personnes qui vivent de fait à
la même époque.
Sur le Prozac, un article du Monde :
http://www.lemonde.fr/societe/article/2009/08/19/le-prozac-est-redevenu-un-medicament-comme-les-autres_1230055_3224.html
Plus sérieusement !
Une dissertation développant le thème du XXVIIIe siècle dans Sylvie
"Le XVIIIe siècle dans Sylvie (Nerval)" par Tina Male
Sur le Prozac, un article du Monde :
http://www.lemonde.fr/societe/article/2009/08/19/le-prozac-est-redevenu-un-medicament-comme-les-autres_1230055_3224.html
Plus sérieusement !
Une dissertation développant le thème du XXVIIIe siècle dans Sylvie
"Le XVIIIe siècle dans Sylvie (Nerval)" par Tina Male
Et une étude plus philosophique de l'oeuvre de Nerval où l'on trouve de belles pages consacrées à la "nymphe" ou "fée" qu'est Sylvie, l'importance symbolique des couleurs bleu et rose :
Sarah Kofman, Nerval, le charme de la répétition (éd. L'Age D'homme - Cistre, essai n°6)
http://books.google.fr/books?id=siNRZaxxC2MC&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q&f=false
Sarah Kofman, Nerval, le charme de la répétition (éd. L'Age D'homme - Cistre, essai n°6)
http://books.google.fr/books?id=siNRZaxxC2MC&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q&f=false
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