Devoir
surveillé de rentrée (4 heures)
Partie I. Résumé
de texte
Résumerez
en 200 mots le texte suivant. Un écart de 10 % en plus ou en moins
sera toléré. Vous indiquerez avec précision, en marge de chaque
ligne, le nombre de mots qu’elle comporte et, à la fin du résumé,
le total.
La nature a-t-elle voulu
la guerre ? Répétons, une fois de plus, que la nature n’a
rien voulu, si l’on entend par volonté une faculté de prendre des
décisions particulières. Mais elle ne peut poser une espèce
animale sans dessiner implicitement les attitudes et mouvements qui
résultent de sa structure et qui en sont les prolongements. C’est
en ce sens qu’elle les a voulus. Elle a doté l’homme d’une
intelligence fabricatrice. Au lieu de lui fournir des instruments,
comme elle l’a fait pour bon nombre d’espèces animales, elle a
préféré qu’il les construisît lui-même. Or l’homme a
nécessairement la propriété de ses instruments, au moins pendant
qu’il s’en sert. Mais puisqu’ils sont détachés de lui, ils
peuvent lui être pris ; les prendre tout faits est plus facile
que de les faire. Surtout, ils doivent agir sur une matière, servir
d’armes de chasse ou de pêche, par exemple ; le groupe dont
il est membre aura jeté son dévolu sur une forêt, un lac, une
rivière ; et cette place, à son tour, un autre groupe pourra
juger plus commode de s’y installer que de chercher ailleurs. Dès
lors, il faudra se battre. Nous parlons d’une forêt où l’on
chasse, d’un lac où l’on pêche : il pourra aussi bien être
question de terres à cultiver, de femmes à enlever, d’esclaves à
emmener. Comme aussi c’est par des raisons variées qu’on
justifiera ce qu’on aura fait. Mais peu importent la chose que l’on
prend et le motif qu’on se donne : l’origine de la guerre
est la propriété, individuelle ou collective, et comme l’humanité
est prédestinée à la propriété par sa structure, la guerre est
naturelle. L’instinct guerrier est si fort qu’il est le premier à
apparaître quand on gratte la civilisation pour retrouver la nature.
On sait combien les petits garçons aiment à se battre. Ils
recevront des coups. Mais ils auront eu la satisfaction d’en
donner. On a dit avec raison que les jeux de l’enfant étaient les
exercices préparatoires auxquels la nature le convie en vue de la
besogne qui incombe à l’homme fait. Mais on peut aller plus loin,
et voir des exercices préparatoires ou des jeux dans la plupart des
guerres enregistrées par l’histoire. Quand on considère la
futilité des motifs qui provoquèrent bon nombre d’entre elles, on
pense aux duellistes de Marion Delorme qui s’entre-tuaient « pour
rien, pour le plaisir », ou bien encore à l’Irlandais
cité par Lord Bryce, qui ne pouvait voir deux hommes échanger des
coups de poing dans la rue sans poser la question : « Ceci
est-il une affaire privée, ou peut-on se mettre de la partie ? »
En revanche, si l’on place à côté des querelles accidentelles
les guerres décisives, qui aboutirent à l’anéantissement d’un
peuple, on comprend que celles-ci furent la raison d’être de
celles-là : il fallait un instinct de guerre, et parce qu’il
existait en vue de guerres féroces qu’on pourrait appeler
naturelles, une foule de guerres accidentelles ont eu lieu,
simplement pour empêcher l’arme de se rouiller. — Qu’on songe
maintenant à l’exaltation des peuples au commencement d’une
guerre ! Il y a là sans doute une réaction défensive contre
la peur, une stimulation automatique des courages. Mais il y a aussi
le sentiment qu’on était fait pour une vie de risque et
d’aventure, comme si la paix n’était qu’une halte entre deux
guerres. L’exaltation tombe bientôt, car la souffrance est grande.
Mais si on laisse de côté la dernière guerre, dont l’horreur a
dépassé tout ce qu’on croyait possible, il est curieux de voir
comme les souffrances de la guerre s’oublient vite pendant la paix.
On prétend qu’il existe chez la femme des mécanismes spéciaux
d’oubli pour les douleurs de l’accouchement : un souvenir
trop complet l’empêcherait de vouloir recommencer. Quelque
mécanisme de ce genre semble vraiment fonctionner pour les horreurs
de la guerre, surtout chez les peuples jeunes. — La nature a pris
de ce côté d’autres précautions encore. Elle a interposé entre
les étrangers et nous un voile habilement tissé d’ignorances, de
préventions et de préjugés. Qu’on ne connaisse pas un pays où
l’on n’est jamais allé, cela n’a rien d’étonnant. Mais que,
ne le connaissant pas, on le juge, et presque toujours
défavorablement, il y a là un fait qui réclame une explication.
Quiconque a séjourné hors de son pays, et voulu ensuite initier ses
compatriotes à ce que nous appelons une « mentalité »
étrangère, a pu constater chez eux une résistance instinctive. La
résistance n’est pas plus forte s’il s’agit d’un pays plus
lointain. Bien au contraire, elle varierait plutôt en raison inverse
de la distance. Ceux qu’on a le plus de chances de rencontrer sont
ceux qu’on veut le moins connaître. La nature ne s’y fût pas
prise autrement pour faire de tout étranger un ennemi virtuel, car
si une parfaite connaissance réciproque n’est pas nécessairement
sympathie, elle exclut du moins la haine. Nous avons pu le constater
pendant la dernière guerre. Tel professeur d’allemand était aussi
bon patriote que n’importe quel autre Français, aussi prêt à
donner sa vie, aussi « monté » même contre l’Allemagne,
mais ce n’était pas la même chose. Un coin restait réservé.
Celui qui connaît à fond la langue et la littérature d’un peuple
ne peut pas être tout à fait son ennemi. On devrait y penser quand
on demande à l’éducation de préparer une entente entre nations.
La maîtrise d’une langue étrangère, en rendant possible une
imprégnation de l’esprit par la littérature et la civilisation
correspondantes, peut faire tomber d’un seul coup la prévention
voulue par la nature contre l’étranger en général. Mais nous
n’avons pas à énumérer tous les effets extérieurs visibles de
la prévention cachée. Disons seulement que les deux maximes
opposées Homo homini deus et Homo homini lupus se
concilient aisément. Quand on formule la première, on pense à
quelque compatriote. L’autre concerne les étrangers.
Nous venons de dire qu’à
côté des guerres accidentelles il en est d’essentielles, pour
lesquelles l’instinct guerrier semble avoir été fait. De ce
nombre sont les guerres d’aujourd’hui. On cherche de moins en
moins à conquérir pour conquérir. On ne se bat plus par
amour-propre blessé, pour le prestige, pour la gloire. On se bat
pour n’être pas affamé, dit-on, — en réalité pour se
maintenir à un certain niveau de vie au-dessous duquel on croit
qu’il ne vaudrait plus la peine de vivre. Plus de délégation à
un nombre restreint de soldats chargés de représenter la nation.
Plus rien qui ressemble à un duel. Il faut que tous se battent
contre tous, comme firent les hordes des premiers temps. Seulement on
se bat avec les armes forgées par notre civilisation, et les
massacres sont d’une horreur que les anciens n’auraient même pas
imaginée. Au train dont va la science, le jour approche où l’un
des adversaires, possesseur d’un secret qu’il tenait en réserve,
aura le moyen de supprimer l’autre. Il ne restera peut-être plus
trace du vaincu sur la terre.
Partie II. Dissertation
Votre
lecture des trois œuvres du programme vous conduit-elle à affirmer
avec Bergson que « la guerre est naturelle »
?
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